« Toi, t’es pas d’ici, dit-il.
J’entrevis un collier autour de son cou.
- D’où tu viens, petit ?
- J’arrive de Chicago. Mais je suis français.
- Ouais, ouais, j’ai reconnu l’accent… Quel bon vent t’amène dans l’Ohio ?
- J’vais à Washington… à vrai dire, je ne sais pas vraiment où je vais.
- Ah… t’es un beatnik. Intéressant, petit, affirma-t-il.
- A ma façon, avouai-je sans grande conviction. Disons que je suis comme cette feuille que le vent pousse. Je ne sais jamais où je vais atterrir…
Il était calme et attentif. J’avais l’impression qu’il était dans un état de transe à l’instar d’un junkie qui vient d’injecter sa dose. Il remarqua mon calepin posé sur la table :
- Qu’est-ce que tu écris dans ce cahier ?
- Oh ! Je note mes pensées, mon parcours… tout ce qui me passe étrangement par la tête.
- Vraiment ? C’est marrant, j’ai aussi un petit carnet que je traîne… Oui, j’écris des poèmes et des chansons. En réalité, je suis poète.
- Un biker poète ? m’étonnai-je. On n’en voit pas tous les jours.
- Ils me traînent, c’est tout, dit-il en désignant les angels.
- En tout cas, j’apprécierai de vous lire.
- J’sais pas trop petit… Personne n’a jamais lu mes poèmes, tu sais. Pas mêmes ces cavaliers de la tempête. Si t’as le courage, va jusqu’à Los Angeles. Là-bas, trouve-toi une chambre à Venice. En face de l’océan, de préférence. C’est un coin parfait pour les petits comme toi, pleins de rêves… »
Il quitta ma table et disparu à jamais.
Guillaume Duhan